Soigner différemment

Portrait d’Isabelle Gauthier, intervenante en soins spirituels

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Cet article est tiré de la quatrième édition du magazine de la Fondation

Depuis maintenant huit ans, Isabelle Gauthier sillonne les étages de l’Institut de Cardiologie de Montréal en tant qu’intervenante en soins spirituels. Elle est une oreille attentive, une main toujours tendue vers l’autre qui se fraie un chemin à travers le brouhaha incessant du centre hospitalier. Avec beaucoup de générosité, celle qui a reçu en 2023 le Prix d’excellence Dr Denis-Roy en reconnaissance de son apport exceptionnel à la profession démystifie ce métier méconnu pour mettre en lumière l’importance cruciale du type de soins qu’elle propose – une approche sensible de la maladie dont les bienfaits se font sentir tous les jours.

Les soins spirituels : atteindre le cœur profond

En quoi consiste le travail d’intervenante en soins spirituels? Quand on demande à Isabelle Gauthier de se prêter à l’exercice épineux de définir sa profession, la réponse est honnête et spontanée : « C’est une bonne question, parce que notre travail reste encore énigmatique pour plusieurs. À la blague, on m’appelle parfois “sœur Isabelle” – on se fait une image très religieuse de mon métier. Pourtant, il arrive souvent que la religion ne fasse pas du tout partie de l’équation. »

« C’est tout d’abord un travail d’écoute, d’accompagnement bienveillant et personnalisé, non jugeant, sans agenda. On souhaite offrir un espace dans lequel l’autre peut se dire, se raconter, dans toute sa vérité. On est très pressés dans le monde hospitalier; pour le patient, ça va très vite, et il se retrouve dans un tourbillon de pronostics et d’interventions médicales multiples. Le simple fait de m’asseoir avec lui et de lui redonner cet espace, ce temps, cette parenthèse, et de lui demander “qu’est-ce que tu vis, toi ?”, ça ouvre des portes pour cheminer à travers la maladie. C’est très concret, en fait », confie-t-elle.

Soigner, au-delà des gestes médicaux

Se positionnant dans le spectre de la relation d’aide, Isabelle Gauthier a pour mission d’offrir au patient une autre dimension de soins que ceux apportés au corps ; une approche qui s’intéresse à l’humain dans sa globalité. « La maladie ébranle tous nos repères et nos liens. Quand je rencontre quelqu’un qui traverse un grand moment de bouleversement, de perte de sens, j’essaie de trouver une zone de confiance, de profondeur pour qu’il arrive à voir toute la richesse qu’il a en lui. Oui, il y a le soin du corps, et on a des équipes extraordinaires pour ça. Moi, ce que je peux faire, c’est de mettre un baume sur les plaies vives. Je ne peux peut-être rien sur le plan physique, mais il y a une terre intérieure en chacun de nous, et j’essaie, à travers les ronces et les épines, d’apporter un peu de fleuri. Ou si vous voulez, de désencombrer les cendres et de souffler un peu sur la braise pour que la flamme puisse reprendre. Mon travail n’est pas de sauver, mais de pacifier, de rendre ça plus doux. J’essaie d’amener la personne à utiliser ses plus grandes ressources, que ce soit la famille, l’amour, l’entourage. Et, mine de rien, quand on prend soin de l’intérieur, ça transparaît aussi à l’extérieur, au final », explique-t-elle.

L’importance du soutien moral pour faire face aux maladies cardiovasculaires

Si Isabelle Gauthier offre son soutien à l’intérieur des murs de l’ICM, ce choix n’est pas aléatoire et fait écho aux besoins inhérents à la maladie cardiovasculaire. « Il y a, dans la maladie cardiovasculaire, beaucoup de soudaineté, un caractère violent. La vie peut changer à 180 degrés très vite, quand il s’agit du cœur. Alors on agit sur la peur, le choc, la surprise. Le temps nous manque pour comprendre… La tête comprend ce qui se passe, mais le cœur ne le comprend pas encore. J’essaie d’amener la personne à effectuer un cheminement de la tête au cœur, pour apprendre à vivre avec cette nouvelle réalité. C’est un apprivoisement, une sorte de digestion émotionnelle, de par la façon très subite qu’a souvent la maladie cardiaque de se présenter. Le cœur, c’est la vie : quand les patients apprennent qu’ils sont malades du cœur, ça frappe très fort dans l’imaginaire. Ça fait beaucoup à digérer, et c’est aussi vrai pour les familles qui accompagnent », illustre-t-elle.

D’un cœur à un autre : l’histoire touchante de Frank Nguyen

Des histoires chargées de sens, Isabelle Gauthier en a un coffre rempli. Elle accepte ici de partager avec nous celle qui la lie à Frank Nguyen, qui a récemment eu une greffe du cœur.

« C’est la première et unique fois que j’ai vécu ça. Frank attendait sa greffe cette journée-là, alors je suis allée le voir dans sa chambre pour l’accompagner à travers ce passage très important. Il avait une photo de sa femme et de sa fille dans les mains, et il m’a dit qu’il faisait ça pour elles. À ce point-là, il n’y avait plus d’accompagnant ni d’accompagné, c’était une marche ensemble, un moment de grande vérité. Il m’a parlé de ses peurs, de ses appréhensions, de l’acceptation de sa greffe, de ce nouveau cœur. J’ai aussi attendu avec lui en salle préopératoire parce que je sentais qu’il avait besoin d’une présence. J’avais sa main dans la mienne et il m’a dit : “J’aimerais que tu mettes ta main sur mon cœur. Ce cœur-là, tu vas être la dernière personne à le sentir battre.” C’est ça, la richesse de mon travail, ce n’est pas juste moi qui donne un espace à l’autre, l’autre m’en donne un aussi. Ça a été un cadeau immense. Sentir pour une dernière fois ce cœur qui a aimé, qui a eu peur, qui a vécu tellement de choses… Un moment de grâce », raconte-t-elle.

La place des soins spirituels : une richesse à défendre

Dans un environnement social où les gouvernements tendent de plus en plus vers la laïcisation des services, le travail essentiel et méconnu d’Isabelle Gauthier et de ses collègues est aujourd’hui mis en péril. « On ne saisit pas toujours les subtilités de ce qu’on fait et j’aimerais qu’on puisse davantage crédibiliser et reconnaître la profession dans sa globalité ; reconnaître la pertinence et la compétence des soins spirituels en milieu hospitalier », exprime Isabelle.

Un rôle privilégié au sein de l’Institut de Cardiologie de Montréal

Dans la foulée, l’intervenante en soins spirituels souhaite remercier l’Institut de Cardiologie de Montréal, qui a su donner à la profession qu’elle exerce sa juste place. « À l’ICM, on est choyés, parce que les équipes – les infirmières et les médecins – reconnaissent ce que l’on fait. Elles voient la transformation chez le patient, chez la famille ; elles sont le premier indicateur de l’impact tangible de notre travail. Elles  voient comment nous pouvons amener de la dignité dans le processus, de la lumière. Lors de ma nomination pour le Prix d’excellence, je me
souviens que le Dr Roy a dit : “On ne met pas assez de l’avant l’importance de prendre soin du cœur profond de la personne, de prendre soin de sa souffrance et de son monde émotionnel.” Pourtant, sans ça, il y a quelque chose qui peut rester en grande souffrance, parce que finalement, un hôpital, ce n’est pas juste un lieu de soins physiques, et je suis tellement d’accord avec lui », conclut-elle.

Le cœur d’Isabelle

Si le cœur d’Isabelle pouvait parler, voici ce qu’il nous dirait :

« Je citerai ici le philosophe Louis Lavelle : “Le plus grand bien que nous faisons aux autres n’est pas de leur communiquer notre richesse, mais de leur révéler la leur.” Et c’est ça qui m’anime en tant qu’intervenante en soins spirituels. »

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