Collecter, analyser, interpréter, prédire et agir

Entretien avec Ian Mongrain, directeur des opérations du Centre de pharmacogénomique Beaulieu-Saucier

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Cet article est tiré de la quatrième édition du magazine de la Fondation

La médecine de l’avenir, propulsée par le Centre de pharmacogénomique

Depuis plus de 10 ans, Ian Mongrain dirige les opérations du Centre de pharmacogénomique Beaulieu-Saucier. Aux premières loges des innovations scientifiques qui s’y développent tous les jours, il nous explique le fonctionnement de la Biobanque et en quoi les forces conjuguées des études cliniques et des analyses statistiques qui ont cours au Centre permettront, dans un futur rapproché, de prévenir les maladies et d’offrir à chaque patient une thérapie qui lui soit adaptée.

Le Centre de pharmacogénomique, pierre angulaire de la médecine personnalisée

Depuis sa création en 2008, le Centre de pharmacogénomique de l’ICM se voue à l’avancement du savoir et à la promotion de découvertes dans le domaine de la médecine de précision, par le biais de recherches pharmacogénomiques. Le directeur des opérations, Ian Mongrain, résume la raison d’être du Centre. « C’est une organisation dédiée à promouvoir la médecine personnalisée, un grand mot qui veut dire qu’on peut utiliser l’information d’un patient, d’une étude ou d’une situation à partir d’échantillons et de données, dans le but d’expliquer un phénomène médical et d’améliorer les thérapies offertes. Donc, ce que le Centre de pharmacogénomique fait, c’est recueillir et interpréter des données pour s’assurer d’offrir les soins les mieux adaptés à chaque patient. »

La Biobanque de l’ICM : un échantillonnage unique

C’est dans cette optique d’intégrer les études cliniques pour les mener vers des applications concrètes que la Biobanque de l’ICM, hébergée au Centre de pharmacogénomique, a aussi été créée. « La Biobanque du Centre s’est bâtie à partir de données de patients de l’Institut qui ont accepté de participer à ce projet. On a créé cette biobanque pour avoir le maximum de patients dans nos congélateurs (pas les patients en tant que tels, mais des échantillons!) pour faire des analyses génétiques croisées avec les informations médicales pour des projets ultérieurs », explique M. Mongrain.

Ce qui distingue la Biobanque de l’ICM des autres, c’est non seulement le nombre d’échantillons (plus de 500 000 recueillis à ce jour) qu’elle contient, mais son caractère vivant et évolutif, comme l’illustre l’expert. « Le grand avantage de notre Biobanque, c’est qu’elle nous permet, d’une part, d’étudier des données longitudinales. Puisque les patients de l’ICM sont suivis dans le temps, on peut faire des mises à jour des données de recherche, et la Biobanque évolue, ce qui permet d’expliquer, d’interpréter, et de comparer des informations au fil du temps. Ce sont des données riches et vivantes, qu’on peut suivre. On peut aussi recontacter les patients pour les inviter à des études additionnelles, pour valider une découverte sur l’efficacité d’un médicament, par exemple. D’autre part, comme il s’agit d’une cohorte hospitalière, on peut relier les informations génétiques que nous analysons à partir des échantillons aux données recueillies par l’hôpital. Bref, on a ainsi une vision globale des données de santé, permettant des analyses en profondeur. »

Recueillir et savoir interpréter : la force d’une équipe multidisciplinaire

Jouissant d’une grande reconnaissance des milieux pharmaceutiques, le Centre de pharmacogénomique puise sa force dans la rigueur scientifique de sa démarche et dans sa capacité à analyser les informations recueillies. « Notre force, c’est de pouvoir rassembler sous un même toit une expertise autant de laboratoire que statistique. Ces deux équipes s’intégrèrent pour mener les études cliniques en retirer des informations pertinentes et en faire l’analyse. Et tout ça, c’est grâce au travail d’équipe. Infirmières, médecins, gestionnaires à la Biobanque, techniciens, assistants de recherche et informaticiens bâtissent les outils de collectes de données en laboratoire, puis il y a des statisticiens et des informaticiens pour l’analyse. Pour y arriver, on suit, depuis le début de nos travaux, des règles de bonnes pratiques en laboratoire qui sont très strictes et qui nous permettent d’atteindre de hauts standards de qualité. On a une grande crédibilité dans l’industrie : quand on publie les résultats d’une nouvelle étude, ça a une grande valeur, parce que c’est fait dans les règles de l’art », soutient le directeur des opérations. C’est dans cette mouvance que le Centre a récemment obtenu l’accréditation CAP/CLIA, une certification nord-américaine très rare au Québec, gage de la qualité exceptionnelle des travaux qui s’y déploient.

L’exemple de l’étude dal-GenE : comprendre avec plus d’acuité

Ian Mongrain illustre la capacité d’analyse et d’interprétation que possède le Centre en citant l’étude dal-GenE. « C’est un exemple très concret de ce que l’on peut faire. Il y a quelques années, la compagnie Roche, une grande entreprise pharmaceutique, a dû mettre fin à une vaste étude menée sur l’efficacité d’un médicament pour réduire les risques d’événements cardiovasculaires chez les personnes ayant eu un syndrome coronarien aigu, faute de résultats probants. Selon les résultats de l’étude globale, il n’y avait donc pas plus de bénéfices avec le médicament qu’avec le placébo dans l’ensemble des patients. Au Centre de pharmacogénomique, avec le Dr Jean-Claude Tardif, nous avons procédé à une analyse génétique des données de cette étude. À l’issue des travaux, on a identifié qu’il y avait un variant génétique précis qui  permettait à certains patients de tirer des bénéfices significatifs avec le médicament. Ce qui indiquait que le médicament fonctionnait probablement bien, mais seulement pour certains patients. Là où les études cliniques classiques échouent, on peut donc apporter de nouvelles pistes de compréhension et d’action grâce à l’analyse génétique plus poussée. Aujourd’hui, l’étude clinique a été reprise, mais seulement chez des patients qui ont le génotype que nous avons identifié. C’est ça, la médecine de précision. »

« Quand on développe une molécule, un médicament en laboratoire, c’est un contexte assez simple, mais quand on arrive à l’étape clinique, c’est beaucoup plus complexe. Souvent, on ne comprend pas pourquoi les médicaments ne fonctionnent pas comme prévu. Avec des données cogénétiques, on peut comprendre et utiliser l’information pour soigner plus efficacement », résume-t-il.

Médecine personnalisée et avenir : agir sur les risques en amont

Que peut-on espérer voir s’accélérer dans les prochaines années, en ce qui a trait à la médecine de précision ? Une question vaste et complexe autour d’un domaine en pleine ébullition, à laquelle Ian Mongrain répond avec enthousiasme. « La chose la plus logique, celle que je vois, c’est qu’on pourra, à partir d’un petit prélèvement de sang effectué à la naissance ou comme jeune adulte, séquencer l’ADN pour guider les décisions cliniques au long de la vie. Ça s’inscrit dans le virage de la médecine préventive : ça permettra de faire du dépistage, axé sur la prévention plutôt que sur les traitements. Il y aura moins de maladies aiguës, et aussi moins de conséquences liées à une mauvaise médicamentation, parce qu’on connaîtra l’efficacité relative des médicaments selon la génétique de chacun. Quand on pense qu’aux États-Unis et au Canada, les effets secondaires des médicaments sont une cause importante d’hospitalisation, c’est majeur. Déjà aujourd’hui, les  études randomisées ont prouvé que la médecine de précision réduit les hospitalisations. Maintenant, il faut changer les mentalités, et mener rapidement les études cliniques nécessaires pour convaincre le milieu de la santé qu’il faut agir en amont, et que c’est gagnant-gagnant pour tout le monde », conclut-il.

Le cœur de Ian

Si le cœur de Ian pouvait parler, voici ce qu’il nous dirait :

« L’avenir est entre bonnes mains avec la médecine personnalisée. Je suis assez certain que, très bientôt, il y aura des débouchés scientifiques majeurs en médecine de précision, et ce, non seulement en santé cardiovasculaire, mais dans tous les domaines. »

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