Au Canada, l’espérance de vie est très élevée, mais qu’en est-il des conditions dans lesquelles nous vivons durant toutes ces années? Le constat des chercheurs en santé qui se sont penchés sur cette question au cours des dernières décennies est, selon le Dr Martin Juneau, très éclairant.
Les études menées aux quatre coins de la planète ont permis de démontrer que l’espérance de vie en santé passe principalement par les bonnes habitudes de vie, où l’alimentation est à l’honneur. Les risques diététiques, c’est-à-dire la mauvaise alimentation, sont en effet les principales causes de mortalité au Canada et aux États-Unis, où ils fauchent encore plus de vies que le tabagisme.
C’est au cours des années 1950 que l’épidémiologiste Ancel Keys jette les bases de ce qui deviendra le régime méditerranéen, alors qu’il constate que les accidents cardiovasculaires touchent davantage les Napolitains fortunés, qui ont une alimentation plus riche en viande que les classes populaires. Après avoir observé le même phénomène à Madrid, il mène une étude dans sept pays dans le cadre de laquelle il analyse l’incidence de l’alimentation sur l’espérance de vie et la santé cardiovasculaire.
« Dans ses recherches, il constate que l’alimentation des Crétois et celle des Finlandais comprennent le même pourcentage de matières grasses, qui est assez important (40 %). Or, le taux de mortalité cardiaque est très élevé en Finlande, tandis qu’il est très faible en Crète. Pourquoi? Parce que les matières grasses consommées par les Crétois sont principalement de source végétale (huile d’olive, noix, avocats), tandis que ceux privilégiés par les Finlandais sont d’origine animale (crème, beurre, fromages, charcuteries). »
Tous les gras ne se valent pas : le type de matières grasses que l’on mange a des effets plus importants sur notre santé que la quantité totale de matières grasses consommée au fil du temps. Le Guide alimentaire canadien fournit de l’information intéressante sur les sources de bons gras favorisant la santé cardiovasculaire.
« Cinq ans seulement après avoir adopté le régime méditerranéen, on observe une réduction du risque cardiovasculaire de l’ordre de 35 % », un résultat qui, selon le Dr Martin Juneau, est considérable. La diminution du risque de cancer du sein, l’amélioration de la mémoire et de la cognition ainsi que le recul de la maladie coronarienne figurent également parmi les nombreux bienfaits de cette pratique alimentaire.
Maladies chroniques, cancers et maladies cardiovasculaires : la liste de problèmes de santé sur lesquels l’alimentation végétale peut agir est longue. « On a longtemps véhiculé l’idée que les protéines à base de plantes ne sont pas complètes, qu’elles peuvent occasionner des carences… c’est tout à fait faux. Même son de cloche en ce qui concerne le soya et le tofu : les risques pour la santé des femmes qui sont associés aux phyto-estrogènes dans ces aliments ne sont pas avérés. Au contraire, les phyto-estrogènes préviennent même l’occurrence et la récurrence du cancer du sein. »
Le chercheur Dean Ornish, qui a consacré sa carrière à l’étude de l’incidence des habitudes de vie sur la progression des maladies coronariennes, a constaté les effets spectaculaires de la consommation de végétaux sur l’obstruction artérielle. Après 12 mois de diète végétalienne, combinée à une pratique modérée d’activité physique et de gestion du stress, le blocage des artères coronaires diminue et la maladie régresse. Les résultats sont encore meilleurs après cinq ans.
Selon le Dr Juneau, les Québécois peuvent facilement modifier leur alimentation pour se rapprocher du régime méditerranéen ou végétarien parce que leurs habitudes culinaires s’y apparentent déjà. « On est loin de certaines cultures alimentaires aux États-Unis, où le poisson se mange frit, avec des frites en accompagnement. Un filet de saumon à l’huile d’olive, avec une salade en à-côté, c’est souvent impensable là-bas. »
Les défis que les Québécois doivent relever concernent principalement l’apport quotidien en grains entiers, en noix et en légumineuses.
« On peine particulièrement à se défaire de l’idée que les légumineuses, c’est seulement des bines! Il y en a de toutes les sortes, et en plus, c’est un choix très économique. »
Face aux preuves implacables de l’importance de l’alimentation sur l’espérance de vie en santé, l’optimisme est de mise. Notre pouvoir d’action, bien réel, commence dans notre assiette. Quant à l’expression populaire sur les pommes et les médecins, il faudrait la repenser puisque ce fruit intéresse en fait beaucoup les docteurs!