En octobre 2024, la Fondation de l’Institut de Cardiologie de Montréal recevait un don majeur de 50 000$ de la part de l’Association culturelle des familles Agnonesi de Montréal. Cet organisme a pour mission de rassembler les membres de la communauté d’Agnone – une petite ville de la région du Molise, en Italie – qui ont émigré à Montréal dans les années 1950 et 1960.
Giovanni Iarusso, fils de Pasqualino Iarusso – fondateur et président de l’Association –, nous partage l’histoire inspirante de cette communauté de gens de cœur et revient sur les motivations qui ont guidé leur généreux appui à la Fondation de l’ICM.
C’est en 1997, animé par le désir de préserver les racines, les mœurs et les traditions de leur village natal, que Pasqualino Iarusso, entouré d’un groupe d’amis, fonde l’Association culturelle des familles Agnonesi de Montréal : « la mission de mon père et de ses complices était de réunir les familles agnonaises pour ne pas qu’elles oublient qui elles sont et d’où elles viennent, et surtout, pour faire connaître aux générations suivantes leur culture profonde, afin qu’elles en soient fières et qu’elles souhaitent la sauvegarder, dans le respect de la mosaïque multiculturelle de leur pays d’adoption », explique Giovanni Iarusso.
Pendant plus de 25 ans, l’Association a donc veillé à faire briller la ville d’Agnone de toutes sortes de manières : « Agnone est une petite ville nichée sur une lance rocheuse à une élévation de plus de 800 mètres au-dessus du niveau de la mer – un petit coin de pays magnifique où l'art, l’histoire et la culture cohabitent. Elle est connue pour la fonderie pontificale Marinelli, une entreprise familiale qui fabrique des cloches d’église depuis environ l’an 1000, et pour son grand festival du feu (La N'docciata): une énorme parade qui a lieu la veille de Noël, avec des milliers de torches faites à la main qui sont transportées par des gens habillés en costumes d’époque au son des cornemuses », confie M. Iarusso.
Au fil des ans, l’Association a multiplié les événements pour entretenir le sentiment d’appartenance à cette communauté originaire du centre-sud de l’Italie : « au mois de janvier de chaque année, nous avons organisé Il Carnevale Agnonese, une soirée dansante costumée et très festive. Comme notre groupe se voulait un point de référence pour les immigrants, afin de faciliter leur accueil et leur intégration, nous organisions aussi des échanges communautaires. Aux 2 ou 3 ans, il y a un prêtre d’Agnone – Don Remo Quaranta –, qui venait célébrer une messe à Montréal et transmettre les nouvelles du village natal à ceux qui vivent ici. Le Groupe folklorique I Dragoni del Molise, une troupe de théâtre d’Agnone, est également venue en 2002 pour donner un spectacle de chant et de danse traditionnels », se souvient-il.
En septembre 2024, les membres encore actifs de l’Association culturelle des familles Agnonesi de Montréal se rassemblent pour tourner une page importante de leur histoire : « en l'absence de relève, et face à un comité qui se fait de plus en plus vieillissant, nous n’avons pas eu d’autre choix que de cesser nos activités. On s’est donc retrouvé avec des fonds à redistribuer. On voulait faire un don à la communauté – encore une fois dans cet esprit de transmission de notre héritage. On songeait, au départ, à des organismes montréalais d’origine italienne, puis, au fil des discussions, l’Institut de Cardiologie de Montréal s’est imposé comme une évidence. On s’est aperçus qu’autour de la table, tout le monde avait une histoire familiale liée à l’endroit, que plusieurs parents, frères, sœurs, avaient bénéficié des soins de l’ICM au cours de leur vie. Son omniprésence dans nos parcours respectifs a fait l’unanimité : donner à l’Institut était le retour normal des choses. Et, finalement, pour nous, qui nous considérons comme des gens de cœur, ça résonnait, ça bouclait la boucle de belle façon », illustre Giovanni Iarusso.
Plutôt que de répartir leurs dons entre plusieurs organismes, les membres de l’Association choisissent de remettre la majeure partie de leurs fonds à la Fondation de l’ICM, tout en réservant un montant à la Fondation Douglas, qui soutient le plus important centre de recherche en santé mentale au Québec. « On aurait pu donner à pleins d’organismes, mais on avait le désir de faire un don qui soit significatif, qui ait le plus d’impact possible, qui permette de vraiment faire évoluer les pratiques, de sauver des vies de manière concrète. Encore une fois, comme la communauté Agnonese est vieillissante, on sait que l’ICM aura certainement un rôle à jouer dans la vie de plusieurs de nos membres, et c’est aussi vrai pour l'Institut universitaire en santé mentale Douglas, parce que la démence touche beaucoup d’aînés », soutient Giovanni Iarusso dont le père, Pasqualino Iarusso, est lui-même atteint de troubles cardiovasculaires et cognitifs.
Malgré la cessation de ses activités, la raison d’être de l’Association continuera de résonner autrement, comme les cloches d’Agnone le font depuis l’an 1000, à l’intérieur des murs de l’ICM : « nous avons toujours été animés par une grande passion et un amour de célébrer, de partager notre culture avec notre pays d’adoption. Je crois que l’héritage va se poursuivre, parce que l’important, c’est que le fil ne se brise pas, et le fil, maintenant, c’est l’ICM. Je terminerais en citant Don Remo Quaranta, prêtre d’Agnone, qui terminait toujours ses allocutions en disant : che il filo non si spezzi, che la luce non si spenga, che il cuore non si fermi, ce qui veut dire en français : que le fil ne se brise, que la lumière ne s'éteigne, que le cœur ne s'arrête. Lorsqu'on y pense, cette phrase prend toute sa signification, que ce soit pour les générations futures qui suivront, puisque c'est à chacun de nous, descendants des immigrants d’Agnone, de maintenir vivants et de promouvoir, à notre façon, les liens avec la terre natale de nos ancêtres, et c’est aussi vrai pour les donateurs de l'ICM : il faut maintenir le lien afin de toujours pouvoir compter sur cet hôpital à la fine pointe de la technologie, ce lieu unique qui soigne le cœur, organe essentiel de l’amour et du maintien de la vie », conclut Giovanni.